Travail et emploi : les chantiers de Myriam El Khomri pour 2016
La ministre du Travail, Myriam El Khomri, a détaillé hier devant l'Association des journalistes de l'information sociale (Ajis) les nombreux dossiers qui l'attendent en 2016. Le projet de loi Travail va l'occuper une majeure partie de l'année puisqu'il ne devrait pas être voté avant l'été.
Objectif : Myriam El Khomri a insisté sur "l'enjeu de lisibilité" du code du travail. "Le code du travail est complexe car il y a beaucoup de dérogations" ; elle a souligné la nécessité d'accorder "plus de flexibilité" aux entreprises tout en assurant que cela ne signifie pas "moins de droits pour les salariés".
Concrètement, la nouvelle architecture sera une fusée à trois étages : des normes d'ordre public auxquelles il ne sera pas possible de déroger, les normes qui pourront être adaptées par accord d'entreprise ou de branche et, enfin, les normes supplétives applicables en l'absence d'accords. La ministre du Travail a insisté hier sur cette dernière strate : "Il faut laisser plus de place à la négociation mais ne pas fragiliser l'édifice juridique par des vides". Myriam El Khomri ne s'en cache pas ; il s'agit aussi, avec cette réforme d'envergure, de "participer à un climat de confiance".
Le temps de travail, un test grandeur nature de la nouvelle architecture |
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"Il y a beaucoup de contentieux sur le temps de travail, notamment sur le forfait-jours, observe Myriam El Khomri. C'est pour cela que nous avons choisi ce thème en priorité". Plus de souplesse devrait ainsi être accordée en matière de fractionnement des jours de congés payés ou bien encore de modulation du temps de travail. Le forfait-jours devrait être sécurisé, le texte devant régler la définition de la "charge de travail raisonnable". Myriam El Khomri rencontrera les partenaires sociaux le 18 janvier pour aborder ces points. Reste à savoir si la ministre du Travail s'attaquera également au gros chantier des congés payés, initié cet été par une proposition de loi socialiste. |
►Où est-on ? Un travail préalable est actuellement réalisé par une commission présidée par Robert Badinter pour définir les principes fondamentaux du droit du travail. Ses membres se retrouvent deux fois par semaine au sein du ministère. La remise de leurs conclusions est attendue entre le 20 et le 25 janvier. Un second rapport doit être dévoilé dans le même temps, celui du professeur Cesaro sur les modalités de dénonciation et de révision des accords collectifs. "Les questions de procédure sont essentielles", a en effet souligné Myriam El Khomri. Ce travail de refondation du code du travail doit ensuite être décliné ; un travail que le gouvernement évalue à deux ans. Pour l'heure, seul le temps de travail fera l'objet du projet de loi Travail.
Objectif : Rationaliser le nombre de branches professionnelles qui sont plus de 700 aujourd'hui, dont une partie n'ont plus d'activité conventionnelle. "Il y a aujourd'hui des branches mortes et des petites branches qui pourraient fusionner", constate Myriam El Khomri. "Nous pouvons passer rapidement à 400 branches, notamment en rapatriant les accords de branche territoriaux au sein des accords de branches nationaux".
►Où en est-on ? Le conseiller d'Etat, Patrick Quinqueton, a récemment remis son rapport sur le sujet ; le projet de loi Travail fixera des critères de regroupement. La ministre du Travail espère passer de 700 à 400 branches d'ici la fin de l'année et à 100 branches d'ici 3 ans. Parallèlement, les partenaires sociaux vont ouvrir une délibération sur les critères permettant d'accompagner la restructuration des branches .
Objectif : Prendre en compte les enjeux du numérique sur l'évolution du travail et le statut des non-salariés, notamment dans le cadre de l'économie collaborative. Il s'agit également d'appréhender les risques en termes de santé et de sécurité au travail.
►Où en est-on ? Bruno Mettling, le DRH d'Orange, a déjà remis son rapport à la ministre en préconisant une plus grande sécurisation du forfait-jour et une adaptation de loi télétravail. Ce matin, c'est au tour de Benoît Thieulin, président du Conseil national du numérique, de rendre son rapport à la ministre sur le thème "Travail, emploi, numérique : les nouvelles trajectoires". Enfin, un troisième rapport est attendu, celui du député Pascal Terrasse sur l'économie collaborative.
Le projet de loi Travail devra réaliser une synthèse de l'ensemble de ces propositions.
Objectif : Le nouveau compte personnel d'activité doit permettre de sécuriser les trajectoires professionnelles de tous les actifs, "quel que soit son statut", insiste la ministre, en intégrant dans ce compte, notamment, le CPF (compte personnel de formation), le compte épargne temps et le compte pénibilité.
►Où en est-on ? La négociation sur le CPA a débuté le 7 décembre ; un calendrier de séance a été fixé jusqu'au 8 février. La prochaine séance a lieu le 12 janvier. Les partenaires sociaux doivent aboutir sur "un accord-cadre", selon les termes mêmes de la ministre. Parallèlement, la ministre lance le 21 janvier un débat public sur le sujet qui s'étalera sur plusieurs semaines "afin d'enrichir la négociation et le projet de loi". "Ce compte doit être fait avec ses bénéficiaires", explique Myriam El Khomri pour justifier sa méthode collaborative.
Objectif : Sécuriser les ruptures de contrat de travail en encadrant les indemnités versées par les juges en cas de licenciement injustifié.
►Où en est-on ? Le Conseil constitutionnel a retoqué le barème obligatoire prévu par la loi Macron et, plus précisément le critère de la taille de l'entreprise ; un nouveau barème est à l'étude. "J'y travaille, assure Myriam El Khomri. D'autres schémas sont à l'étude avec la prise en compte de l'âge et de l'ancienneté et non plus la taille de l'entreprise". François Hollande a confirmé lors de ses voeux au Conseil constitutionnel, hier après-midi, que le gouvernement tiendra "le plus grand compte [de la censure du Conseil constitutionnel] dans les textes" qu'il présentera prochainement". Cette mesure sera également intégrée dans le projet de loi Travail.
Rappelons que nous sommes toujours en attente de la publication du référentiel - indicatif cette fois -devant le bureau de jugement. Il doit être établi par décret après avis du Conseil supérieur de la prud'homie.
Objectif : Réformer la médecine du travail, revoir les modalités des visites médicales et de l'aptitude au travail.
►Où en est-on ? Le député Michel Issindou a remis son rapport qui a été décliné en partie dans la loi Rebsamen. D'autres mesures ont été reportées et devront être traitées dans le cadre du projet de loi Travail.
Calendrier du projet de loi |
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Présenté en Conseil des ministres début mars, il sera discuté en commission des affaires sociales à l'Assemblée nationale fin mars, puis en séance publique début avril. Le gouvernement souhaite que le texte soit adopté avant l'été. |
Outre la négociation sur le CPA, deux autres négociations doivent s'ouvrir. Celle sur l'assurance chômage s'annonce d'ores-et-déjà délicate ; la question de la dégressivité des allocations chômage mais aussi celle de la taxation des contrats courts devraient être remis sur la table.
Objectif : négocier la nouvelle convention d'assurance chômage qui prendra effet le 1er juillet 2016.
►Où en est-on ? Le groupe de travail paritaire travaille sur un certain nombre de sujets ; la négociation doit s'ouvrir à la fin du mois ou début février.
Objectif : Les partenaires sociaux se sont engagés, lors de la négociation sur les retraites complémentaires, à ouvrir une négociation sur l'évolution de l'encadrement.
►Où en est-on ? Aucune date précise n'est à ce jour avancée ; la négociation doit normalement démarrer au cours de l'année 2016.
Objectif : Relancer l'emploi dans les TPE-PME et agir sur le chômage. Pour cela le gouvernement compte actionner trois leviers : la formation des demandeurs d'emploi peu qualifiés (350 000 formations supplémentaires s'ajouteront en 2016 aux 150 000 déjà programmées) ; la création de nouvelles aides à l'embauche et la relance de l'apprentissage.
►Où en est-on ? C'est François Hollande qui détaillera les mesures lors de sa présentation des voeux aux acteurs de l'entreprise et aux partenaires sociaux le 18 janvier. Myriam El Khomri et Manuel Valls rencontreront préalablement les partenaires sociaux le 11 janvier. La ministre du Travail a tout de même consenti à expliquer que - s'agissant des aides à l'embauche - il s'agit avant tout "d'un enjeu de lisibilité des primes : il faut un système simple et efficace". Elle a par ailleurs annoncé la mise sur pied au premier semestre 2016 d'un simulateur d'aides afin d'aider les entreprises à y voir plus clair.
Lisibilité, en effet, puisque la dernière aide à l'embauche est toute récente. Elle vise toute embauche d'un premier salarié en CDI ou en CDD de plus d'un an comprise entre le 9 juin 2015 et le 8 juin 2016 (la prime est de 4 000 €). La ministre du Travail a livré hier les premiers chiffres : 7 000 entreprises en ont bénéficié, ce qui représente un taux de recours de 40%. Par ailleurs, rappelons qu'une une aide vise spécifiquement les demandeurs d'emploi de longue durée : la prestation "suivi dans l'emploi". |
En matière d'apprentissage, l'objectif est de redynamiser le dispositif. Car malgré les précédents plans de relance, le nombre d'apprentis stagne à 400 000 contre 500 000 initialement prévus. L'une des pistes serait, selon Myriam El Khomri, d’élargir le champ des certifications "aux titres professionnels" inscrits au RNCP (Répertoire national des certifications professionnelles). Ces titres peuvent être créés et réactualisés plus rapidement qu'un diplôme d'Etat. Ils permettent ainsi d’ajuster plus rapidement l’offre de formation aux besoins des entreprises. Là encore, c'est François Hollande qui précisera les pistes de travail le 18 janvier.
Objectif : Achever la réforme de l'inspection du travail en remodelant les sanctions que peuvent prendre les agents de contrôle. La réforme a été repoussée à plusieurs reprises.
►Où en est-on ? L'ordonnance qui finalise le processus doit être publiée au Journal officiel dans les semaines à venir.
Objectif : Rendre effective l'ensemble des dispositions de ces deux gros projets de loi de l'année 2015.
►Où en est-on ? S'agissant de la loi Rebsamen, seul le décret sur le congé syndical a été publié à ce jour. Les autres décrets prennent du retard ; les suivants ne seront pas prêts avant fin février (pour la nouvelle DUP et la DUP conventionnelle, voire en mars concernant les consultations du CE. Quant aux décrets de la loi Macron, la ministre du Travail a précisé hier que les derniers décrets sur le travail illégal seront bientôt publiés, notamment celui sur la nouvelle carte d'identité dans le BTP (en février). La ministre du Travail est d'ailleurs auditionnée le 2 février à l'Assemblée nationale par la mission d'information de la loi Macron.
Objectif : Mieux prendre en compte le caractère pénible de certains emplois. Les derniers décrets pénibilité sont enfin parus ; ils parachèvent le compte de prévention de la pénibilité.
►Où en est-on ? Les branches professionnelles vont désormais devoir rédiger des référentiels qui devront ensuite être homologués par le ministère du Travail. Par ailleurs, face aux critiques du patronat qui ne faiblissent pas à l'égard du dispositif, le gouvernement a annoncé un suivi approfondi de la mise en œuvre du compte personnel de prévention de la pénibilité en y associant les représentants des entreprises et des salariés. "Nous avons déjà supprimé la fiche pénibilité", a toutefois tenu à rappeler hier la ministre du Travail.
Objectif : Aller plus loin sur la lutte contre les discriminations à l'embauche et au travail.
►Où en est-on ? Une partie du sujet est traitée par la Garde des sceaux : le projet de loi sur la Justice du 21e siècle dont l'examen est en cours au Parlement et qui créé une action collective en matière de discriminations ; l'autre volet va démarrer début février : il s'agit d'une campagne de testing lancée dans les entreprises.
Objectif : Simplifier le bulletin de paie.
►Où en est-on ? Jean-Christophe Sciberras a remis son rapport en juillet dernier au gouvernement ; il manque désormais un décret et un arrêté pour apporter les précisions nécessaires.
Commentaires (1)
Le "vivre ensemble" dans le monde du travail ?
Ne faut il pas au contraire pour les entreprises plus de stabiité ? Arrêter de sortir 5 lois fondamentales par an censées les aider à embaucher ? Mais ceux qui embauchent n'ont pas le temps d'assimiler ces nouvelles lois ! D'autant plus que les décrets sortent X temps après, ou qu'il faut attendre la circulaire qui explique le décret qui explique la loi !
La médecine du travail ? Les différents gouvernements se sont arrangés pour qu'il n'y en ait plus (combien de médecins pour combien de salariés ?). Les inspecteurs du travail ? Depuis qu'ils sont sous la DIRRECTE, leurs pouvoirs n'ont cessé de diminué.
La baisse des indemnités de chômage conduira t -elle à trouver dans un chapeau les 5 millions d'emplois manquants ? Ce qui est sûr, c'est qu'elle créeera encore plus de pauvre, incapables de payer leurs loyers !
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