Je ne m'attendais pas du tout à ce qui s'est passé, je ne pensais pas que ça irait aussi loin. Il y a eu peut-être jusqu'à 300 personnes dans la salle de réunion du CCE et 2 000 à 2 500 salariés manifestant dehors. Mais il faut voir quelle est la frustration et la colère des salariés, une colère qui ne s'était pas exprimée jusqu'à présent. L'annonce de ces 2 900 suppressions d'emplois avait déjà été faite avant le CCE. Les salariés ont l'impression qu'ils ne verront jamais le bout du tunnel. Depuis 5-6 ans, nous allons de suppressions de postes en suppression de postes. Et à chaque plan, ça se durcit. Cette fois, le plan envisagé par la direction, quoi qu'elle en dise, comprend forcément des licenciements. Demander à une escale comme Marseille de faire 14 millions d'euros d'économies, ça signifie 220 à 230 personnes en moins ! Croyez-vous que les salariés vont se laisser faire sans réagir ? Maintenant, je connais le président du CCE (Ndlr : le DRH, l'un des deux cadres ayant dû s'enfuir du CCE) et je regrette ces actes. Mais encore une fois, la direction peut-elle être surprise des réactions des salariés à ses décisions ? Je le disais encore ce matin lors du comité de groupe : depuis 2010, ce sont 12 000 postes qui ont été supprimés chez Air France. Le plan Transform d'il y a 3 ans à peine, c'était déjà 3 500 suppressions d'emplois avec cette grande différence qu'il n'y avait pas de licenciements. Où va-t-on s'arrêter ?
Oui, il y a une révolte de salariés. Cela fait d'ailleurs longtemps que nous disons à la direction que les choses peuvent déraper. En effet, les salariés n'ont plus d'occasions pour exprimer leur désarroi. Avant, ils le faisaient à l'occasion de mouvements sociaux locaux, ou d'actions spontanées. Ce n'est plus possible depuis la loi Diard du 19 mars 2012 qui oblige les trois-quart des salariés qui souhaitent participer à un mouvement de grève à le déclarer 48 heures avant (*). Avec cette disposition, la direction peut faire appel aux cadres ou au personnel d'autres escales pour faire le travail à la place des grévistes, si bien que cela dissuade tout mouvement.
Non, c'est juste décalé. Le CCE va reprendre le 22 octobre et cette alerte constituera le premier point à l'ordre du jour. D'ailleurs, il y aura encore beaucoup de monde le 22 car l'intersyndicale a appelé à la grève et à la mobilisation ce jour-là et les retours que nous avons nous montrent que cela sera très suivi.
Je doute que le plan soit différent. Car quoi qu'en dise le gouvernement, les négociations n'ont pas repris. Nous n'avons pas revu à ce jour la direction d'Air France. Tout laisse à penser qu'Alexandre de Juniac, le PDG d'Air France, n'a pas vraiment envie de bouger. C'est un frein à la recherche d'un accord. Il faut dire aussi que le Premier ministre n'a rien fait pour apaiser le climat en parlant de "voyous" et en allant apporter sur place son soutien à la direction de l'entreprise.
Cela ne m'inquiète pas plus que ça. Ce n'est pas la première fois qu'un CCE est interrompu.
Il me semble y avoir peu d'éléments à charge contre eux, mais je ne souhaite pas m'exprimer là-dessus (**).
Je ne le connais pas. Le seul commentaire que je peux faire, c'est de dire : alors que la direction d'Air France nous répète depuis des années que l'Etat ne peut plus rien pour nous, on nomme comme DRH un haut fonctionnaire qui faisait partie de l'équipe gouvernementale.
(*) Il s'agit d'une loi relative à l'organisation du service et à l'information des passages du transport aérien. Air France a par ailleurs déjà été condamnée pour non respect du droit de grève, comme ici par le TGI de Bobigny en décembre 2014.
(**) Ils pourraient être jugés le 2 décembre par le tribunal correctionnel de Bobigny pour "faits de violences en réunion", un délit passible de 3 ans d'emprisonnement et de 45 000€ d'amende. Deux de ces salariés ont dit lors d'un entretien à l'AFP qu'ils contestaient les violences qui leur sont reprochés mais qu'ils se sentaient "condamnés avant d'avoir été jugés". Ils ont jugé anormales les conditions de leur interpellation à l'aube : "Ils ont fouillé chez moi, j'avais l'impression d'être un terroriste", dit l'un d'eux.