Les partenaires sociaux se sont retrouvés mardi après-midi au Medef à Paris pour élaborer l'agenda social pour la fin de l'année 2015 et pour l'année 2016. L'agenda est resserré autour de trois grands rendez-vous incontournables : le compte personnel d'activité, l'assurance-chômage et le statut de l'encadrement. Les prémices, selon Jean-François Pilliard, vice-président du Medef jusqu'à la fin de l'année, des évolutions à venir avec la réforme du droit du travail : "L'interprofessionnel aura un rôle à jouer plus sélectif car plus de sujets seront confiés à la branche et à l'entreprise". Fabrice Angei de la CGT porte un tout autre regard et évoque lui un "agenda contraint qui manque d'ambition" et "qui colle à la feuille de route sociale du gouvernement".
Sur le compte personnel d'activité, difficile de nier que les partenaires sociaux collent à l'Exécutif puisque le gouvernement a transmis dès lundi sa feuille de route au partenaires sociaux. La réunion de mardi a permis d'affiner le programme de travail. Les discussions qui devraient démarrer avant la fin du mois devront permettre de définir les principes du CPA, son premier contenu au 1er janvier 2017 (notamment les principes du cahier des charges du portail d’information numérique et les modalités d’accompagnement) et le calendrier éventuel de négociations thématiques en 2016. "Il faudra discuter des droits qui ont vocation à être portables et pour ceux qui le sont, dans quelles conditions ils le seront", a précisé Jean-François Pilliard. Ce dernier souhaite que dans ce cadre d'autres questions soient soulevées. "Il est urgent qu'on essaye d'apporter des réponses sur la mobilité des salariés, le logement et l'environnement de travail du conjoint".
Si le CPA est un sujet plus consensuel que d'autres, les discussions n'iront toutefois pas de soi car des divergences de fond existent entre les partenaires sociaux. A la CGT par exemple, on continue de porter l'idée d'une "sécurité sociale professionnelle" qui va au-delà de la seule sécurisation des transitions professionnelles. "Il faut construire les éléments pour qu'entre deux emplois, le niveau de rémunération , les possibilités de formation et l'ancienneté soient maintenus", explique Catherine Perret. Les partenaires sociaux s'accordent en revanche sur un point : celui du timing. Pas question de laisser le gouvernement dicter le calendrier des négociations et fixer une date butoir, même s'ils savent que la pression sera forte.
L'autre grand rendez-vous est la renégociation de la convention d'assurance chômage. Mais avant de tout remettre sur la table, les partenaires sociaux doivent signer dans les semaines à venir, un avenant à la convention d'assurance chômage du 22 juin 2014 afin d'assurer sa mise en conformité avec la décision du Conseil d’Etat du 6 octobre 2015 qui, rappelons-le, a notamment retoqué les modalités du différé d'indemnisation.
Ensuite, le temps sera venu de préparer la nouvelle convention. Le groupe de travail politique paritaire poursuivra ses travaux sur plusieurs sujets : la modulation des conditions d’indemnisation et des contributions, les modalités de calcul de l’allocation, la mise en œuvre d’une aide spécifique à la reconversion professionnelle et la réforme de l’aide différentielle de reclassement, la concertation avec l’Etat sur la mise en place d’une affiliation obligatoire au régime d’assurance chômage pour les employeurs publics ayant la possibilité d’adhérer au régime de manière révocable ou irrévocable, la simplification de la réglementation en vigueur. La négociation, elle, devrait être ouverte dès janvier 2016 pour aboutir à une nouvelle convention applicable à partir du 1er juillet 2016. Marie-Françoise Leflon (CFE-CGC) déplore cette négociation bribes par bribes : "Il aurait fallu aller sur une grande négociation en janvier mais la réalité nous a rattrapée avant ; on la subit", faisant ainsi référence à l'annulation de la convention chômage.
Enfin, dernier chantier qui sera engagé au cours de l'année 2016 comme s'y sont engagés les partenaires sociaux lors de la négociation sur les retraites complémentaires : une négociation sur l’évolution de l’encadrement. Il y sera question de la définition au niveau national interprofessionnel des principaux éléments permettant de caractériser l’encadrement (notamment technique et managérial), de l'ouverture aux branches professionnelles de la possibilité de préciser les éléments relatifs à l’encadrement dans le respect du cadre fixé au niveau national et interprofessionnel et de moderniser le dispositif de prévoyance prévu à l'article 7 de la convention du 14 mars 1947 en pérennisant le taux de 1,5 % de la cotisation prévu à cet article. Les discussions devront également aboutir à la rédaction de dispositions applicables sur toutes ces questions à défaut d’accord de branche professionnelle. En somme, il s'agit d'élaborer des normes supplétives !
D'autres négociations devraient aboutir avant la fin de l'année 2015. A commencer par celles sur les modalités de la négociation interprofessionnelle lancée en février dernier lors de l'élaboration du précédent agenda social. Qui tient la plume ? Où se déroulent les négociations ? Selon quelles modalités ? Selon Philippe Pihet de FO, "il ne reste plus que le lieu à trouver" !
La qualité de vie au travail pourrait également être de nouveau sur le devant de la scène dans le prolongement de l'accord national interprofessionnel (Ani) du 19 juin 2013 avec notamment l'ouverture de discussions sur les congés et l'installation du comité de suivi. Les questions liées au numérique et au télétravail pourraient intégrer ce cadre.
Les partenaires sociaux ont convenu d'engager d'autres discussions dans le cadre d'un dialogue économique. Impossible de faire l'impasse sur les débats qui gravitent autour du numérique. L'ouverture d'une délibération est prévue avant fin 2015 sur les enjeux économiques du numérique et l'économie du partage. Jean-François Pilliard, insiste : "Il nous faut une meilleure compréhension des enjeux économiques du numérique avant d'aborder les questions sociales". La CFDT approuve la méthodologie. "Il ne faut pas mettre la dimension économique et la dimension sociale dans la même discussion", assure Hervé Garnier. Mais, encore une fois, ça risque de coincer du coté de la CGT. "Il faut prendre le sujet dans sa globalité et ne pas seulement traiter ses enjeux économiques", insiste Fabrice Angei qui souhaitent que soient abordées la question de l'organisation du travail, du droit à la déconnexion et celle du temps de travail. Reste à savoir si les partenaires sociaux pourront aller au-delà de l'objectif premier fixé, comme l'explique Hervé Garnier : "Disposer d'un socle commun de connaissances sur le numérique".
Deux autres délibérations seront ouvertes. La première sur le partage de la valeur ajoutée, sujet qui traîne en longueur depuis des années ; la seconde sur sur les conditions de stabilisation macroéconomique de la zone euro. Toutes deux doivent être finalisées avant la fin de l'année.
Si les discussions sur la réforme du droit du travail sont absentes de l'agenda social - et pour cause des concertations ont déjà eu lieu avec la ministre et elles se poursuivront une fois le projet de loi dévoilé - une partie du projet de loi est quand même à l'agenda social : celui du lourd et sensible chantier de la restructuration des branches professionnelles. Et la méthode de travail elle-même n'est pas un modèle de simplicité ! Alors qu'une sous-commission dédiée a été constituée en mars dernier au sein de la Commission nationale de la négociation collective (voir la composition de la sous-commission dédiée), une délibération s'ouvrira parallèlement sur les critères permettant d’accompagner la restructuration des branches d’ici le début de l’année 2016. Pour aboutir sur un accord de méthode ? Le Medef pousse en ce sens, la CGT et FO s'y opposeront.
Trois autres délibérations sont prévues :
- La première sur la mise en place du groupe de travail paritaire sur le nouveau régime de retraites complémentaires, dès le début 2016, voire fin 2015, en vue d’une négociation et de la conclusion d’un accord national interprofessionnel avant le 1er janvier 2018.
- La deuxième sur l’évolution de la politique du handicap au premier trimestre 2016. Les partenaires sociaux souhaitent peser davantage sur ce sujet, notamment lors de la conférence sociale sur le handicap qui se tiendra en janvier.
- La dernière visant à mettre à disposition des branches professionnelles les outils nécessaires à la construction d’une GPEC de branche et territoriale et d’une politique de développement des qualifications : ouverture avant l’été et conclusion avant la fin de l’année. Ce travail sur le développement des compétences et des qualifications doit conduire les branches professionnelles à prendre en compte la montée en compétences des salariés dans le cadre de leur négociation sur les classifications (en début d’année 2016).
Enfin, pas d'agenda social sans suivi des accords nationaux interprofessionnels précédents. Pascale Coton de la CFTC insiste surtout sur l'Ani de 2006 sur la diversité. "Il n'a pas fonctionné. 15% des entreprises ont signé un accord et 5% l'appliquent. On veut savoir pourquoi". Une évaluation d'autant plus importante que le gouvernement travaille sur la question des discriminations au travail avec notamment le lancement avant la fin de l'année d'une campagne de testing en entreprise.